Dans un système éducatif
haïtien marqué par de fortes inégalités et des performances disparates entre
les écoles publiques, congréganistes et privées, les études scientifiques
portant sur les matières fondamentales comme la physique restent rares dans le
pays. Pourtant, ce vendredi 18 juillet 2025, l’étudiant Bendji NICOLAS, inscrit
à la Faculté des Arts et des Sciences de l’Éducation du Campus Henry Christophe
de l’Université d’État d’Haïti à Limonade, a brillamment soutenu son mémoire de
licence en Science de l’Éducation ~ Option : Physique.
Au-delà de la rigueur académique de
ce travail qui nous a marqué, ce mémoire est aussi pour nous une source de
motivation personnelle. Car il y a une relation de proximité entre nous auteur de
ces lignes et monsieur Bendji NICOLAS. Nous avons partagé ensemble une période de
colocation au Village EKAM de Caracol pendant nos études, et bien avant cela,
nos chemins s’étaient déjà croisés lors de sa préparation du concours d’entrée
au CHCL-UEH-L. Nous sommes également liés, dans une certaine mesure, à ce
travail, en étant un ancien élève du Collège Saint-Eugène de Mazenod de Fort-Liberté,
de la promotion Terminale Bazile Moreau 2016-2017. Autre chose intéressante à
mentionner, c’est que Bendji a fait sa classe de Terminale au Lycée Paul Eugène
Magloire de Fort-Liberté dans la promotion de 2017-2018. Mais ce décalage dans
nos promotions et le cliché haïtien bien connu « Elèv Lise » versus
« Elèv Kolèj Konkreganis » ne nous a pas empêchés de nous retrouver à
plusieurs reprises durant notre parcours universitaire, où nous avons souvent
sollicité l’aide de Bendji pour des exercices de mathématiques ou de physique. C’est
pour toutes ces raisons que nous avons voulu écrire cet article, pour témoigner
de son cheminement, de sa résilience et de sa passion pour l’enseignement.
Son travail, intitulé « Étude
comparative de la performance académique des élèves dans le processus
enseignement-apprentissage de la physique dans les écoles publiques et privées
en Haïti », met en lumière, à travers une enquête menée à Fort-Liberté, les
écarts de performance entre deux institutions : le Lycée Renaissance (public)
et le Collège Saint Eugène de Mazenod (privé). Avec un échantillon de 300
élèves, Bendji a analysé comment les ressources, les méthodes pédagogiques et
la perception des élèves influencent leurs résultats scolaires en physique.
Avant de pouvoir devenir l’étudiant
engagé, rigoureux et méthodique qu’il est aujourd’hui, Bendji était un élève
brillant qui faisait beaucoup d’efforts pour donner de très bons résultats au
Lycée Paul Eugène Magloire de Fort-Liberté, l’intuition où il a fait ses études
secondaires et qui réputée pour la rareté et l’irrégularité des professeurs,
surtout pour les matières dîtes « les chiffres ». Comprenons par-là
qu’il n’a pas choisi ce thème par hasard. Il est un témoin des réalités
divergentes entre écoles publiques et privées dans le pays.  Son étude s’inscrit donc autant dans une
démarche académique que dans un engagement social, destiné à mieux comprendre –
et améliorer – l’état de l’enseignement scientifique en Haïti, d’après ce que
nous pu comprendre dans notre dialogue avec le désormais licencié en Éducation
Maths-Physiques.
Après sa soutenance, nous avons
rencontré Bendji NICOLAS pour un entretien exclusif, revenant sur son parcours,
ses motivations, les résultats marquants de sa recherche, mais aussi les
perspectives qu’il entrevoit pour l’éducation haïtienne et sa propre
trajectoire académique.
JLBJ :
Vous venez de soutenir un mémoire comparatif sur la performance des élèves en
physique. Qu’est-ce qui vous a motivé à choisir ce sujet en particulier ?
BN : Je m’intéresse depuis
longtemps aux inégalités scolaires, notamment entre les écoles publiques et
privées. J’ai remarqué des différences notables dans les performances, surtout
en sciences. Je voulais donc vérifier objectivement s’il existait réellement un
écart en physique, en identifier les causes et proposer des pistes
d’amélioration pour l’enseignement scientifique en Haïti.  
JLBJ : Pourquoi
avez-vous sélectionné le lycée La Renaissance et le Collège Saint Eugène de
Mazenod comme terrain de votre étude ? Y avait-il une dimension personnelle
dans ce choix ?
BN : J’ai choisi ces deux
établissements d’abord pour des raisons pratiques : ils étaient accessibles
géographiquement et disponibles pour collaborer. Ensuite, ils représentaient un
cadre intéressant, avec des profils d’élèves variés. Il y avait aussi une dimension
personnelle : je connaissais déjà ces écoles, car certains de mes proches y ont
étudié. Cela m’a donné envie d’y mener mon étude, tout en conservant une
démarche rigoureuse et objective.
JLBJ : Votre recherche
indique que l’accès aux manuels et aux outils numériques joue un rôle
déterminant dans la performance. Que révèle, selon vous, ce constat sur les
inégalités éducatives en Haïti ?
BN : Ce constat met clairement
en lumière des inégalités éducatives majeurs en Haïti. Le manque d’accès aux
manuels scolaires et aux outils numériques limite considérablement les
conditions d’apprentissage, surtout dans les écoles publiques. Cela accentue
les écarts de performance entre les élèves et entre les institutions. Il est
donc essentiel de garantir un meilleur accès aux ressources éducatives pour
tous, afin de réduire ces inégalités.
JLBJ : Pourriez-vous
nous expliquer brièvement comment vous avez structuré votre démarche
méthodologique (approche mixte, outils de collecte, traitement des données,
etc.) ?
BN : J’ai adopté une approche
mixte, combinant le quantitatif et le qualitatif. J’ai utilisé un questionnaire
fermé pour collecter des données mesurables sur l’accès aux ressources
matérielles, la perception des élèves vis-à-vis de la physique et leur autoévaluation.
J’ai aussi analysé les notes objectives. En parallèle, j’ai mené des entretiens
semi-directifs avec des directeurs d’écoles et quelques professeurs de physique
afin de recueillir des données plus approfondies.
JLBJ : Quels
ont été les principaux défis que vous avez rencontrés lors de la réalisation de
ce mémoire, tant sur le terrain qu’au plan personnel ?
BN : Sur
le terrain, il n’a pas toujours été simple d’accéder aux écoles ou de trouver
du temps avec les élèves et les enseignants, souvent très occupés ou parfois
hésitants à participer. Sur le plan personnel, le plus difficile a été de gérer
mon temps : jongler entre la recherche, l’écriture et d’autres responsabilités
n’a pas été évident. Il y a eu des moments de découragement, mais j’ai appris à
rester motivé et à avancer progressivement. 
JLBJ : Vous
soulignez qu’il n’existe pas de lien fort entre la perception des élèves sur la
physique et leurs performances réelles. Cette conclusion vous a-t-elle surpris
?
BN : Oui, cette conclusion m’a
surpris. Je pensais qu’un élève qui aime la physique ou qui pense être bon dans
cette matière obtiendrait naturellement de bons résultats. Pourtant, les
données ont montré que ce n’est pas systématique. Certains élèves ont une perception
positive, mais leurs performances ne suivent pas forcément. Cela montre que
d’autres facteurs, comme la méthode d’apprentissage, l’encadrement ou l’accès
aux ressources, sont tout aussi déterminants.
JLBJ : Parmi
tous les résultats obtenus, quels sont ceux qui vous ont le plus marqué, et
pourquoi ?
BN : Ce qui m’a le plus marqué,
c’est l’impact considérable de l’accès aux manuels et aux outils numériques sur
la performance des élèves. Cela prouve que les ressources pédagogiques jouent
un rôle central, surtout dans un contexte comme celui d’Haïti où elles sont
souvent limitées. J’ai aussi été frappé par le décalage entre la perception des
élèves et leurs résultats réels, ce qui souligne l’importance de facteurs
invisibles, comme le soutien pédagogique ou les conditions d’apprentissage. 
JLBJ : Quelles
recommandations adressez-vous aujourd’hui aux décideurs en éducation, aux
directions d’écoles ou aux enseignants, à partir de vos conclusions ?
BN : Je recommande d’abord de
renforcer l’accès aux manuels et aux outils numériques pour tous les élèves,
afin de réduire les inégalités. Ensuite, il serait utile de former les
enseignants à des méthodes pédagogiques plus adaptées et modernes. Il est aussi
important de créer un environnement scolaire propice à l’apprentissage et de
mieux impliquer les familles dans le suivi éducatif des enfants.
JLBJ : Maintenant
que vous avez obtenu votre licence, quels sont vos projets pour la suite ?
Envisagez-vous un master, un engagement professionnel ou des recherches
complémentaires ?
BN : Je souhaite poursuivre mes
études en intégrant un master, de préférence dans un domaine lié à
l’enseignement de la physique, pour approfondir mes connaissances et me
spécialiser davantage. En parallèle, je reste ouvert à des opportunités
professionnelles dans l’éducation ou la recherche. Je suis aussi intéressé par
l’idée de mener d’autres recherches pour explorer plus en profondeur certains
éléments que j’ai abordés dans mon mémoire.
JLBJ : Enfin
que diriez-vous à un ou une étudiante qui hésite à rédiger un mémoire en
sciences de l’éducation ou qui doute de l’utilité d’un tel travail ?
BN : Je lui dirais de se lancer
sans hésiter. Rédiger un mémoire est une expérience très enrichissante, qui
permet de creuser un sujet passionnant, de mener une vraie recherche et de
développer des compétences précieuses comme l’analyse, la rigueur et la rédaction.
Même si c’est parfois difficile, ce travail permet de mieux comprendre le monde
éducatif et d’y apporter sa contribution, aussi modeste soit-elle. Et puis, un
mémoire peut vraiment ouvrir des portes, que ce soit pour la poursuite des
études ou pour la vie professionnelle. Alors, je l’encouragerais vivement à
relever ce défi. Je lui dirais de se lancer avec confiance !
La soutenance s’est déroulée en
présence de plus d’une cinquantaine de personnes, incluant étudiants,
professeurs et invités, dans une salle virtuelle comble au sein des locaux du
CHC-UEH-L. Après délibération, le jury a accordé la note de 85 sur 100, avec la
mention Très Bien, saluant ainsi la qualité du travail présenté. Ce fut un
moment mémorable, autant par la rigueur académique de l’étude que par les
échanges dynamiques et enrichissants entre l’impétrant et les membres du jury.
Âgé de 24 ans, Bendji NICOLAS est
aujourd’hui moniteur au Campus Henry Christophe de Limonade. Il enseigne les
mathématiques et la physique avec passion et engagement. C’est un jeune
fort-dauphinois dont la persévérance, la curiosité intellectuelle et son amour
profond pour le savoir, force le respect et l’admiration.
À travers ce mémoire de licence, il
ne s’est pas contenté de répondre à une exigence académique. Il a posé un
regard critique, lucide et profondément humain sur l’enseignement scientifique
en Haïti, mettant en lumière les inégalités qui entravent encore aujourd’hui le
plein développement du potentiel de nombreux élèves. Son travail est un appel à
mieux équiper nos écoles, à renforcer la formation des enseignants et à
valoriser la recherche en éducation dans notre pays.
Nous vous adressons, cher collègue,
nos plus vives félicitations, ainsi que nos meilleurs vœux de réussite pour la
suite de votre parcours académique et professionnel. Que cette première étape
franchie en appelle bien d'autres, sur le chemin de la science, de
l’enseignement et de l’excellence. BRAVO !
JLBJ : Berckson Johnsly JEAN-LOUIS
BN : Bendji NICOLAS


