Équilibre entre Peinture et Psychologie : une plongée dans l’univers créatif du jeune Vertho CADET dit « Maest Cadet »

Depuis notre reprise en janvier 2024, notre rubrique JEUNE DU MOIS a connu pas mal de personnalités œuvrant dans différents domaines : l’humanitaire, la psychologie, le génie civil, l’informatique, l’entrepreneuriat et tant d’autres. Ce mois-ci, nous allons explorer un coté encore plus palpitant de la vie.  Nous allons parler de créativité et d’esthétique. Nous allons parler d’art ! Notre élu du mois d’août 2024 est artiste. Il évolue dans le département du Nord et ses environs plus particulièrement à Cap-Haitien et à Limonade. Que ce soit pour des dessins ou des peintures diverses et variées, il manie les graphites, les fusains et les pinceaux, d’une manière à enchanter nos yeux et à faire voyager nos esprits. 


Il s’s’appelle Vertho CADET. Né à Cap-Haitien le 29 octobre 1997, il est le deuxième d’une famille de 4 enfants. Dès la kindergarden, il était rentré au Collège Le Phare de Cap-Haïtien, et y est resté jusqu’à la terminale. En 2016, monsieur Cadet a déménagé à Limonade pour ses études universitaires au Campus Henry Christophe de l’Université d’État d’Haïti situé à ladite ville.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Mr Cadet n’a pas étudié les beaux-arts à l’université. À cause de l'instabilité qui régnait notamment dans la capitale du pays, il a abandonné l'idée d'aller à l’ENARTS (l’École Nationale des Arts) et a opté pour des études en Psychologie où il a décroché sa licence dans cette autre discipline qu’il aime beaucoup. Cependant, il n’a pas abandonné son rêve d’enfant : l’ART.

L’histoire entre « Maest Cadet » (son nom d’artiste) et le troisième art ne date pas d’hier. Il a commencé à dessiner dès son plus jeune âge. À l’époque, son entourage l’encourageait fortement à pratiquer les activités artistiques, donc il en profité pour apprendre à bien manier le crayon. Vers ses douze ans, il a commencé à peindre officiellement, et depuis, c’est devenu une partie de lui. Alors pour mieux comprendre l'essence de son art, ses inspirations et ce qui anime son travail, nous lui avons posé quelques questions lors d’une entrevue qu’il a bien voulue nous accorder. Voici ses réponses…

JP : Pourquoi avez-vous choisi d'étudier la Psychologie plutôt que les Beaux-Arts ?

Maest Cadet : J'avais initialement prévu d'étudier les Beaux-Arts à l'École Nationale des ARTS à Port-au-Prince et/ou de rentrer à la Faculté des Sciences Humaines (FASCH), mais malheureusement, l’instabilité du pays a empêché cela. Et lorsque le Campus de Limonade avait prolongé sa période d'inscription d'une semaine, un ami m’avait conseillé d’aller là-bas pour étudier la Psychologie, sachant que j'aime aussi ce domaine. Même si je n'ai pas étudié formellement les Beaux-Arts, j'ai considéré ma pratique de la peinture durant cette période comme une « deuxième étude ». J’ai également beaucoup appris grâce à mes amis étudiants en Beaux-Arts sur le campus, avec qui j’ai travaillé et participé à des expositions.


JP : Entre la Psychologie et l’Art, auquel des deux vous consacrez le plus de temps ? Et pourquoi ?

Maest Cadet : En général je consacre plus de temps à l’art. Je me souviens avoir commencer à dessiner depuis en classe de deuxième et troisième année fondamentale, et je n'ai jamais arrêté. La psychologie, quant à elle, est entrée dans ma vie durant la période 2015-2016. Je donne du temps aux deux pour trouver un équilibre, mais puisque l'art est une partie plus profonde de ma vie, il est parfois prioritaire. Je ne le dis pas souvent pour éviter que les gens pensent que je néglige la psychologie. Même si je consacre plus de temps à l'art, j'avais fini d'écrire mon mémoire de licence presque la même année où j’ai terminé avec les cours. Ce qui veut dire que je consacre aussi du temps à la psychologie... Pour faire simple, je consacre plus de temps au dessin, mais je suis également très investi dans la psychologie. Si un travail important lié à la psychologie se présente, je mets temporairement en attente un travail artistique qui n'est pas urgent. Pour finir, Il y a un « pourquoi » dans la question, le « parce que » c’est : j'aime l'art plus que la science.

JP : Semble-t-il que tu pratiques plusieurs arts, notamment la musique et le dessin... tu pratiques davantage le dessin ?

Maest Cadet : Je n'ai plus pratiqué la musique depuis que j'ai quitté l’école classique. J'ai commencé la musique et le dessin en même temps, mais le dessin a pris plus de place dans ma vie. Ce n'était pas comme une décision radicale que j'ai prise, c’était quelque chose de naturel.

JP : Quelles sont vos sources de motivation ? D’où vient votre créativité ? Reproduisez-vous des dessins ou s’agit-il toujours de vos œuvres originales ? En dehors de portraits, est-ce qu'il vous arrive de voir une chose et de choisir de la reproduire ?

Maest Cadet : Mon inspiration vient de partout : parfois d'un morceau de musique, d'une actualité, d'une image, d'une personne, ou d'une situation de la vie quotidienne. Je dirais que mes œuvres sont puisées à partir de ce qui me touche émotionnellement. Par exemple, une situation, un morceau de musique ou une histoire peut me toucher et me pousser à réaliser un tableau. Parfois, juste pendant quelques instants d'introspection, ou bien allongé la nuit dans le calme, une idée peut surgir dans mon esprit et je me dis : « je dois la réaliser pendant la nuit ».

Lorsque j'ai commencé, j'avais l'habitude de reproduire les œuvres de certains grands peintres et dessinateurs dans l'histoire de l’art, mais c'était uniquement pour apprendre, pas pour les publier. Il fut un temps où je dessinais beaucoup à partir de photos trouvées dans des magazines ou sur Internet, simplement parce que j'aimais les images. Mais les tableaux que je publie, expose ou vends, sont des œuvres originales. C’est-à-dire que je ne présente au public qu’une petite partie de mes productions, car à chaque instant, j'ai un crayon en main, en train de dessiner de petites choses qui me viennent de diverses inspirations. Bref, pour que je réalise un tableau, il faut d'abord qu'il y ait un sujet ou une idée qui me touche émotionnellement, sauf si c'est une commande.

Mais si on parle d’inspiration au sens large, il y a des artistes haïtiens comme Thierry Barthole et Phillippe Attié (des artistes contemporains), ainsi que des artistes de la Renaissance comme Léonard de Vinci et Raphaël. Je suis plus attiré par le figuratif, le réalisme, l’hyperréaliste et un peu d'abstrait. Les artistes qui me servent de modèles travaillent souvent dans un style réaliste.


JP : Qu'est-ce qui vous motive à continuer ? Et que signifie « dessiner » pour vous ?

Maest Cadet : Ce qui m'a d'abord motivé, c'est l'amour que j'ai pour le dessin. Je suis toujours heureux des résultats de mes dessins. Voir à quel point les gens autour de moi apprécient mon travail me motive encore plus.... Dessiner, pour moi, c'est comme une addiction, je ne peux pas m'en passer, je dois toujours le faire, c'est devenu une partie de moi. J'ai 26 ans, bientôt 27, et je dessine depuis bien avant mes 10 ans. À ce stade, je n’ai même plus de source directe de motivation, ça fait simplement partie de mon quotidien, une partie de ma vie. Le dessin m’est à la fois une addiction dont je ne peux pas me défaire, et une thérapie qui m'aide à rester équilibré dans cette vie. En tout cas je vois ma peinture comme une musique instrumentale sans paroles, grâce à laquelle l'auditeur peut ressentir de l'amour, de la mélancolie, de la joie, etc., selon la façon dont son esprit l'interprète.

JP : Avez-vous l’habitude d’organiser ou de participer à des expositions ? Où peut-on les trouver ? À quel moment ? Et comment ça fonctionne ?

Maest Cadet : Il n'y a pas de dates précises, car je n'ai pas encore organisé vraiment d’expositions individuelles, seulement une fois je me rappelle. Mais j’ai été déjà invité à des expositions collectives, notamment à l'Alliance Française du Cap-Haïtien, au Campus Henry Christophe de Limonade, à la mairie du Cap-Haitien, et dans d'autres lieux où se sont déroulées des activités ou programmes spéciaux comme des foires, des festivals, etc.

JP : Avez-vous l'habitude de vendre des tableaux dans ces expositions ? Vos œuvres sont-elles appréciées à leur juste valeur lors de ces événements ?

Maest Cadet : J'ai l'habitude de vendre, mais pas beaucoup. Ce n'est pas facile… Lors des expositions, je gagne surtout en reconnaissance et en visibilité. Mais ça marche plutôt bien en dehors des expositions.

Au début je dessinais tout simplement parce que des idées surgissent et me touchent émotionnellement. Je me rends compte que maintenant cela touche également le public. Il y a des personnes qui me remercient parce que mes tableaux les apaisent, parce qu’ils leur apportent une forme de sérénité. Certains disent qu’à travers mes œuvres, je transmets mes sentiments, ma passion, et mes émotions. Et je le confirme !

D’après les témoignages que je reçois, mon art semble toucher la sensibilité des gens. Je reçois donc beaucoup de commandes, mais malheureusement, parfois ces commandes prennent tellement de temps que je n'ai pas toujours l'opportunité de donner vie à mes inspirations personnelles.


JP : Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui dessine mais ne sait pas comment faire connaître son travail ?

Maest Cadet : Je ne pense pas qu'il existe de formule magique, et s'il y en a une, je ne la connais pas. Comme je l'ai dit, depuis que j'ai commencé tout petit, faire connaître mon art n'était pas dans mon esprit. Ce qui comptait pour moi, c'était de bien travailler, de repousser mes limites. Puis, peu à peu, des gens ont commencé à apprécier davantage mon travail. J'ai reçu des invitations pour participer à des activités culturelles et artistiques, des personnes en Haïti comme à l'étranger consomment mon travail etc., sans manager ni promoteur. Mais mon entourage a joué un rôle important. Mes amis, ma famille, mes collègues etc., tous apprécient ce que je fais, et le bouche-à-oreille fait le reste. Mon conseil est de travailler avec passion, mais aussi avec intelligence. Il faut se former, élargir ses horizons et sa culture. Mais la base reste : « travailler, et travailler en encore plus chaque jour ».

JP : Y a-t-il un point dont vous souhaiteriez parler mais qui n'a pas été abordé ?

Maest Cadet : La seule chose que je peux dire, je ne sais pas si j'en ai déjà parlé, c’est qu’au-delà des messages que mon art peut porter, des idées qu'il peut défendre ou de l'engagement qu'il peut inclure, je le fais d'abord pour m'amuser parce que j'aime ça. De nombreux artistes utilisent l'art comme moyen d'éduquer, de se rebeller ou de résister. Je fais de l'art pour ces raisons aussi, mais à la base, j'étais un enfant qui s'amusait à la maison, sur les bancs de l'école, avec des amis, à dessiner des petits tableaux partout « juste pour le plaisir ».

JP : Vous ne perdez donc jamais cette partie de « peindre juste pour le plaisir ». C'est ce que vous conseillez également à tous les peintres ?

Maest Cadet : Je ne peux pas leur conseiller cela. Tout comme en musique, il y a des artistes pour qui la musique est une arme de résistance, et pour d'autres, c'est un moyen d'éduquer. Ce que je peux dire, c'est que, peu importe ce que quelqu’un fait, il doit le faire avec passion. À mon avis, même si l'art est un moyen d'éducation ou de révolution, s’il n’y a pas de passion et si l’artiste ne vit pas ce qu’il fait, il lui manque quelque chose d’essentiel. Cependant il faut l’avouer, à cause de ma passion, Il arrive que parfois j’accorde tout mon temps à la peinture, jusqu’à oublier d’autres choses importantes. C’est pourquoi je veux conseiller à chacun de prendre parfois du recul, afin de pouvoir trouver l’équilibre entre leurs passions et les autres choses qui comptent dans leur vie.


JP : Au fait, d'où vient le nom « Maest Cadet » ?

Maest Cadet : Le nom « Maest Cadet » trouve ses racines dans mon enfance à l'église. Nous avions l'habitude d'appeler les membres de nos groupes et chorales « maestro » pour souligner leur talent. J'aimais beaucoup ce terme et j'avais choisi « Maest » en référence à cela. C'était une manière pour moi de m'affirmer en tant qu’artiste. C'était une plaisanterie d'enfant... Mais avec le temps, ce surnom est devenu une partie intégrante de mon identité. Il est resté et je l’aime bien.

Enfin « Maest Cadet » est un jeune artiste passionné, dont la vie est intimement liée à l’art. Entre ses œuvres et sa carrière de psychologue, il trouve un équilibre qui lui permet de vivre pleinement sa passion. Son parcours est un exemple pour tous ceux qui cherchent à allier différentes vocations dans leur vie. Un exemple qui montre, en tant que jeune, nos passions et notre profession peuvent coexister et se compléter.

L’équipe de JEUNE PENSEUR souhaite beaucoup de succès à Vertho, qu’il continue d’inspirer non seulement les jeunes artistes, mais aussi tout autre jeune, qui cherche à concilier différents aspects dans leur vie, ou pas!

 

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Entrevue et Mise en contexte : Danienska Edgar DORSAINT

Rédaction et Mise en Page : Berckson Johnsly JEAN-LOUIS


Berckson Johnsly JEAN-LOUIS

Full Stack Developer | Digital Marketing Enthusiast | Tech Writer | Project Manager | HR Professional | Advocate for Human Rights & Youth Leadership 🚀📊🇭🇹

                 

Danienska Edgar DORSAINT

Finissante en Psyschologie

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