Jeunesse ! Ce mot qui résonne généralement comme une promesse de continuité de vie, de rêves, de projets pour l’avenir, de relèves et de possibilités infinies. Ce mot qui représente la vivacité, la fougue et l’énergie. Ce mot qui veut dire tant de choses… Oui ! Mais a-t-il les mêmes sens partout et pour tout le monde ? Qu'en est-il d'Haïti ? Voyons voir...
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- Il y a quelques jours l’Administration Américaine a temporairement suspendu un programme qui permet aux haïtiens et aux citoyens de trois autres pays de rentrer chez l’oncle Sam plus facilement. Il a fallu cette décision pour comprendre une fois de plus, sans vouloir trop exagérer, que plus de 80% des jeunes du pays n’ont qu’une seule grande envie : quitter Haïti par n’importe quel moyen. Et malheureusement, c’est leur signe d’espoir le plus évident, un billet de sortie de l’enfer pour tous ces jeunes.
- Deux semaines avant, c’était un autre épisode malheureux « d’un jeune artiste haïtien disparu ». Un artiste qui en théorie devrait pouvoir vivre de son art, mais qui se trouvait être obligé de prendre des risques, pour quitter le pays à la recherche d’une ville meilleure.
- Dans la même période, un bateau a pris feu en mer avec plus de quarante compatriotes à bord, des personnes de tout âge qui voulaient seulement fuir « notre cher pays », toujours dans l’espoir de mener une vie meilleure sur une terre étrangère.
- L'éducation au niveau classique et la formation universitaire sont devenues des luxes pour beaucoup de jeunes haïtiens. Entre les grèves interminables des professeurs, les écoles fermées à cause de l’insécurité, et le manque de ressources divers et variés, se former dans le pays est devenu un parcours du combattant.
- Dans les sphères politiques, économiques, et sociales, les jeunes sont rarement écoutés. Oubliant que ce sont eux qui devront vivre avec les décisions prises aujourd'hui.
Ces quelques exemples, juste choisis au hasard, ne sont que la pointe d'un géant iceberg. La situation globale est tragiquement bien plus grave dans le pays... Nous n'oublions pas ces plusieurs centaines de jeunes surnommés « bandits ou gangs », ceux-là qui pillent et assassinent nos frères et sœurs tous les jours. Cette problématique pourrait à elle seule fait l'objet de cet article.
Mais bon, revenons à notre point de départ. Nous parlions de jeunesse... L'Organisation des Nations Unies dit que les jeunes constituent la tranche d’âge comprise entre 15 et 24 ans. La grande majorité de ce groupe en Haïti ce sont des personnes qui luttent pour leur suivie, dans la misère, le chômage, l'insalubrité, le stress, l'insécurité etc. C'est tellement palpable qu'on peut l'affirmer même sans une enquête.
L'adage dit aussi « être jeune c'est une manière de penser ». Comment nos parents, nos « adultes » haïtiens peuvent rester jeunes dans leur esprit ? Avec un pouvoir d’achat quasi inexistant, des centaines de milliers de déplacés dans la capitale à cause de la violence, des établissements scolaires devenus des abris provisoires... Et comment nos enfants qui confrontent tous les jours ce cauchemar éveillé peuvent être « jeunes » dans leurs réflexions ?
Comment espérer une jeunesse fonctionnelle quand la majorité peine à obtenir le pain de l’instruction ou même de quoi à manger une seule fois pendant une journée ? Comment construire un avenir sans inclure les jeunes dans le processus ? Comment quelqu’un peut être jeune quand son espérance de vie est de vingt-quatre heures renouvelables ? Comment ? Comment ? Comment parler de jeunesse en Haïti ?
Trêve de bavardage ! Ces quelques lignes sont en effet le produit de nos réflexions de lundi dernier 12 août ; journée internationale de la jeunesse. Les deux grandes questions que nous nous posions - en plus de celles déjà formulées et d'autres qui seront additionnellement mentionnées - c'étaient : Comment célébrer la journée internationale de la jeunesse en Haïti dans ce contexte ? Et peut-on vraiment parler de « célébration » ?
Nous avions et avons encore du mal à répondre de façon claire et précise. Mais nous pensons qu'il est évident que les jeunes haïtiens ne peuvent pas célébrer cette journée de la même manière que les autres pays. Chez nous, on dirait presque que « jeunesse » est un terme qu’on utiliserait plutôt pour raconter des contes de fées pour faire peur, mais pas pour décrire la réalité d'un groupe d'âge ou la manière d'être et de penser d'autres groupes...
Alors que dans de nombreux pays la Journée internationale de la jeunesse est une occasion de célébrer les succès, d'encourager les jeunes talents et de discuter de futurs projets ambitieux ; en Haïti, c’est une journée, nous pensons, où l’on devrait se rappeler et essayer de prendre conscience réellement de ce que, nous, la « jeunesse » de notre nation, sommes en train de vivre quotidiennement.
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Arrêtons-nous un moment pour dire bravo à tous ces jeunes, qui, malgré ce tableau sombre et sinistre, ont réussi à réaliser pas mal de choses. Ceux-là qui contribuent, chacun à leur façon, à apporter un air de soulagement pour eux-mêmes, leurs proches, leur entourage et pour le pays en général. Il y a en eux de la résilience et de la créativité. Ils s'adaptent, innovent et persévèrent en dépit de toutes les barrières. Les initiatives locales qu'ils entreprennent, leurs projets d’entrepreneuriat qui voient le jour, la solidarité qu'ils font preuve dans leur structure et tant d'autres de leurs efforts nous font dire qu’il y a encore de l'espoir. Ils nous poussent à croire qu'il y a encore une flamme qui brûle, ou tout court, la jeunesse, dans tous les sens du terme, existe dans notre pays.
Que disons-nous en fin de compte ? Faut-il ignorer cette journée ? Devons-nous faire comme si tout allait bien pour se conformer à la grande mode de célébration mondiale ? Ou devons-nous utiliser cette journée pour lamenter sur notre sort ?
Ce sont des questions très difficiles à répondre, nous l'avons déjà dit. Mais... Il ne faut pas de célébrations vides de sens, ni de réunions par petits groupes où l’on se contente de partager des anecdotes sans rien changer. Non ! Nous pensons qu’il nous faut une vraie série de réflexions, un véritable symposium national où tous les secteurs, toutes les catégories d’âge se réunissent pour discuter sérieusement de la situation et l’avenir de la jeunesse haïtienne. Pour mettre sur la table ce que nous n'avons pas ou mal fait, ce que nous devons arrêter ou continuer de faire, et ce que nous devons commencer à faire.
Même s'il est difficile de dire qu’il y a une jeunesse en Haïti, jeunesse d'âge ou d’esprit ; elle existe. Et dès que nous aurons décidé d'être réellement solidaires, de réfléchir et d'agir ensemble positivement dans les bonnes directions, cette « jeunesse » que nous évoquons finira par émerger et retrouver tous ces mérites.
Ne
nous contentons plus des paroles. Faisons en sorte que chaque conversation,
chaque réflexion mène à des actions concrètes, des actions positives et
déterminantes. Après tout, si nous ne changeons rien, qui le fera à notre place
?