Vendredi dernier, 26 janvier 2024, l’étudiant mémorant en Sciences Politiques Jacson HONORABLE, était invité à débattre le sujet « Éducation à la citoyenneté et participation des jeunes dans la politique en Haïti : Enjeux et perspectives » dans Savoir+ et Echanges, la rubrique de connaissances de l’association JEUNE PENSEUR, qui a lieu en ligne tous les vendredis soir, entre 8h et 10h Pm.
Modérée par Berckson Johnsly JEAN-LOUIS, cette sortie a accueilli environ vingt personnes, pour deux heures de discussions intéressantes, instructives et animées. Nous vous présentons dans cet article, les grandes lignes de ce qui a été dit.
Avant d’entrer en profondeur dans la problématique, l’intervenant avait pris le soin de dresser un cadre conceptuel assez long sur le du sujet, basé sur quatre points clés :
POLITIQUE
Pour citer Hassenteufel (2011),
le terme politique renvoie à trois termes de sens différents :
a)
LE politique qui se réfère à
l’ensemble des acteurs et des institutions qui compose la cité. Une forme de
pouvoir qui a pour but d’imposer des règles et d’empêcher les conflits dans la
vie commune. En ce sens l’intervenant avait précisé que les acteurs politiques
en Haïti sont les partis politiques (ex : OPL, RDNP, PHTK), la société civile,
les médias et les institutions politiques (La Présidence, le Gouvernement, le Parlement,
le Pouvoir judiciaire).
b)
LA politique qui est la lutte
entre des acteurs individuels ou collectifs pour contrôler le pouvoir
politique. D’où l’expression « faire de la politique”, qui veut dire
participer à la compétition pour contrôler le pouvoir étatique, occuper des
positions au sein des différentes institutions qui composent l’État.
c) LES politiques, qui renvoient aux
programmes d’actions poursuivis de manière cohérente par un acteur collectif ou
individuel. Cet acteur peut être politique (dans le sens des deux premières définitions
du terme) ou non (dans le sens des politiques commerciales d’une
entreprise ou les politiques académiques d’une université, par exemple).
PARTICIPATION POLITIQUE
Après avoir souligné que la démocratie a deux
principaux fondements : isonomie qui signifie que tous les citoyens sont
égaux devant la loi et Iségorie qui signifie que tous les citoyens sont libres
d’exprimer leurs opinions et de participer dans des débats publiques, monsieur Honorable
a défini la participation politique comme étant
l'engagement des citoyens dans la vie politique d'un pays.
Il a ensuite cité Robert Dahl (1971) qui relève plusieurs formes de participation politique dans les systèmes démocratique:
a) La participation électorale qui comprend le vote lors des élections, les campagnes politiques, ainsi que les référendums. L’intervenant avait fait remarquer qu’il
y a des débats sur les notions de légitimité et de légalité des
élus en Haïti, survenus à cause d’une décadence considérable de l'électorat. (50
% des citoyens haïtiens étant capable de voter ne participent pas aux élections).
b) La participation
civique qui englobe un large éventail d'activités civiques telles que la
participation à des mouvement sociaux. (Ex : Le mouvement “PetroChallenge”
en 2018)
c) La
participation délibérative qui implique l'engagement
dans des processus délibératifs tels que les forums publics, les jurys
citoyens, les conférences de consensus etc. (Ex : JEUNE PENSEUR qui organise une
conférence, une forme d’instruction civique, sur la participation des jeunes dans la
politique en Haïti).
d) La
participation institutionnelle ou participation
associative qui est le fait de s’engager pour une ou plusieurs causes politiques communes,
à travers une structure associative ou une institution.
JEUNE
Pour parler de jeune dans le contexte de ce sujet, l’intervenant avait évoqué deux considérations :
a) Jeune en âge :
Dans la politique haïtienne, on est jeune lorsque l’on est en âge de prendre les
engagements citoyens. C’est-à-dire avoir au moins dix-huit ans et posséder sa
carte d’identification nationale (NIU).
b) Jeune en
politique ou jeune en expériences politiques: C’est quand un citoyen est
relativement nouveau dans le domaine de la politique, soit en tant que
candidat, militant politique ou en tant que professionnel dans ce domaine.
ÉDUCATION À LA CITOYENNETÉ
Avant même de parler d’éducation à la citoyenneté, il faut voir les sous-concepts : éducation et citoyen ; a fait savoir Jacson HONORABLE.
- L’éducation comme « guide » ne se limite pas à inculquer des connaissances de manière passive, elle vise aussi à faire sortir le potentiel de chacun, à guider vers l'épanouissement de ses capacités intellectuelles, moralement et socialement. L'éducation, comme « nourriture » fournit à l'individu les éléments dont il a besoin pour grandir et se développer, elle nourrit l'esprit critique, la créativité, la curiosité et l'ouverture d'esprit. L’éducation comme « moyen de conscientisation et de transformation sociale » selon Paulo Freire (1985) permet aux individus de prendre conscience de la réalité sociale, politique et économique qui les entoure dans un premier temps, et dans un second temps, l'émancipation des individus et des communautés opprimées.
- D’après Hannah Arendt(1958), le citoyen est un individu qui s'engage activement dans l'espace public, qui participe à des actions politiques et qui contribue à la formation de la communauté politique. En Haïti, selon la constitution de 1987 amendée, chapitre I, Article 16.2, Article 17 et 18, l’on est citoyen à l'âge de 18 ans accomplis… Quand on peut exercer ses droits civils et politiques suivant les autres conditions prévues par la Constitution et par la loi. Pour être toujours citoyen Haïtien, on ne doit jamais renoncer à sa nationalité.
- Si pour Jean Price-Mars, l'éducation à la citoyenneté en Haïti implique une intégration profonde des valeurs haïtiennes afin de former des citoyens conscients, engagés et responsables ; pour T.H. Marshall (1950) il existe trois dimensions interconnectées de la citoyenneté :
a) La Citoyenneté Civile qui fait référence au droit à la liberté d'expression, à la propriété, à la liberté de mouvement et à la justice équitable.
b) La Citoyenneté Politique qui Inclut le droit de vote, le droit de se présenter aux élections et d'autres formes de participation politique directe.
c) La Citoyenneté Sociale qui comprend l'accès à l'éducation, à la santé, à l'emploi et aux prestations sociales.
Reformulant la
problématique « Dans quelle mesure l'éducation à la citoyenneté
peut-elle influencer la participation politique des jeunes en Haïti, et quelles
sont les perspectives possibles pour renforcer cette participation dans le
contexte politique et social actuel du pays ?”, l’intervenant avait
continué ses analyses :
L’éducation à la citoyenneté a un impact très
significatif sur la participation des jeunes dans la politique, car c’est en
apprenant les droits et les responsabilités qui sont liés à leur citoyenneté, qu’ils
vont pouvoir pour s’engager civiquement. L’éducation à la citoyenneté permet
aussi aux jeunes d’être mieux équipés pour prendre part aux processus démocratiques,
tels que le vote, les révolutions, les manifestations, l’activisme
communautaire et autres.
En premier lieu, Haïti est confronté à des défis éducationnels majeurs. On peut
énumérer l’accès inégal à l'éducation, les problèmes
d'infrastructures, les ressources limitées (faible budget du ministère de l’éducation
nationale, manque d’enseignants, matériels éducatifs manquants ou obsolètes,
etc.), en autres. En addition à tout cela, le savoir en Haïti est colonialisé, dit-il. Malgré le fait que le créole haïtien
soit la langue maternelle de la grande majorité de la population, le français
est souvent privilégié comme langue d'enseignement et de communication dans les
écoles, dans les universités et dans beaucoup autres institutions académiques comme
sociales. Ce sont en grosso modo les enjeux
qui diminuer de l'éducation à la citoyenneté, et du coup, découragent la
participation politique des jeunes dans le pays.
En second lieu, il pense qu’un
autre enjeu majeur à la participation des jeunes dans la politique du pays est
le fonctionnement de l’État, et les conditions du pouvoir en Haïti. Nous sommes
actuellement dans un pays sans président, sans élus locaux et sans parlement.
Nous avons seulement un Premier Ministre contesté par plusieurs couches de la
population et qui malheureusement détient tous les pouvoirs. Il y a en
parallèle la gangstérisation, l’impuissance des forces de l’ordre dans le pays,
l’insécurité généralisée et la misère qui s’aggrave au jour le jour. C’est d’après
lui une situation qui démotivent les jeunes à faire de la politique.
Pour finir son intervention, il a fait des recommandations,
qui selon lui, peuvent renforcer
la participation des jeunes dans la politique en Haïti. Il s’agit de :
- Améliorer l’éducation à la citoyenneté : c’est-à-dire
il faut que l’éducation donnée dans le pays soit adaptée au contexte politique
et social, en incluant la vraie histoire
et la vraie culture haïtiennes, les défis socio-économiques auxquels le pays
est confronté, les droits et les devoirs des citoyens haïtiens etc. Il prône aussi une éducation à la citoyenneté utilisant des méthodes d'enseignement
actives et participatives.
- Créer
un environnement favorable : c’est-à-dire que les institutions
politiques en Haïti doivent être inclusives et participatives, en permettant aux
jeunes de s'impliquer. Il a également insisté sur le rôle de la société civile
qui a le devoir de promouvoir la participation politique des jeunes. Elle doit fournir
aux jeunes des opportunités de s'impliquer dans les activités civiques et
politiques.
Il faut préciser qu’au milieu et après ces deux grandes parties de son
intervention, il avait répondu à plusieurs questions des participants, mais il
y en a une qui avait fait débat :
A l’échelle mondiale, il existe des pays pauvres et des pays riches qui ont un système politique monarchique, tout comme il y a des pays pauvres et des pays riches qui ont un système politique démocratique. Alors entre la sociologie et la politique, qui est-ce qui contrôle l’autre ?
Les positions dans la salle divergeaient. Mais pour Honorable, c’est une question vraiment complexe à répondre ; il n’a pas la réponse. Mais s’il se focalise sur Haïti, en rappelant qu’en monarchie, le principe est de prendre le pourvoir et le conserver et qu’en démocratie le pourvoir est donné par le peuple et pour le peuple, il doute sur la vraie forme de pouvoir politique qui existe dans le pays. En Haïti les candidats se servent du peuple pour arriver au pouvoir, et une fois élus, le peuple est écarté. Pour conclure, qu’il ne peut se pencher en faveur de l’une au l’autre de ces positions.
Le prochain rendez-vous avec la rubrique SAVOIR+ et ÉCHANGES est prévu pour
ce jeudi 01 février 2024. Dans cette sortie spéciale, l’étudiante en master de psychologie
clinique, Woonyse LÉANDRE interviendra sur le sujet « Comment savoir
si j'ai besoin de consulter un Psychologue ? » Nous vous souhaitons déjà
la bienvenue !!!
Bibliographie
Hassenteufel, P. (2011). Sociologie politique : l'action publique Armand Colin. https://doi.org/10.3917/arco.hasse.2011.01
Polyarchie : participation
et opposition, de Robert A. Dahl [trad. Pascal Delwit et
Michèle Mat], Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2016 [1971],
266 p.
FREIRE, Paulo. (1985): Pedagogía del oprimido. Montevideo, Tierra Nueva. México, Siglo XXI Editores
Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne, Calmann-Lévy, coll. Pocket Agora, Paris, 1983
Marshall, T. H. (1950). Citizenship and Social Class: And Other Essays. Cambridge, Eng.: Cambridge University Press.