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Préoccupé de la
situation de mon pays, je suis hypnotisé par une réflexion critique sur mon
pays. L’intensité de cette remise en question m’emporte dans un rêve
historique. J’ai pu écrire quelques notions pour concrétiser l’authenticité de
l’épreuve héroïque que mes aïeux ont faite :
« Un
ciel sombre. Un soir. Des fragments d’étincelles en surnombre sont étalés sur
lui comme des poussières de décombres sur un segment infini, obscur et
suspendu. Mon regard s’étend vers un fleuve de sang en cascade sous la pression
d’un temps maussade. Plus loin, je vois un maquisard engagé égorgé un marquisat
évadé. Les habitations sont emportées dans la colère d’un feu infernal. Je vois
un étendard de couleur rouge et bleu devant un ensemble de va-nu-pieds
obstinés. De belles pensées passent dans leurs têtes mutilées, dans leurs têtes
pétries qui semblent avoir quelques neurones brulés, faute d’une éducation
futile et bestiale. Mais l’influence coloniale ne conditionne pas tout. Son
essence laisse aux esclaves un atout : l’instinct de vivre bien. Je vois
que leur rage est identique à l’image de leurs émotions. Le rempart de
l’inégalité des classes qui se trouve dans la colonie a sombré. La motion
esclavagiste votée par les grandes sociétés a tombé. Le Pacte colonial est
déchiré. Il a connu un peu plus de seize morceaux car l’impact de la Révolution
française qui a guillotiné Louis XVI leur a donné le tract. Ils veulent garder
en eux ce rêve intact.
Je vois
des hommes libres marchés en rangs serrés sous des mitrailles, mais je vois
aussi des calibres ennemis qui les dénombrent. Je vois mes pères ramper,
grimper les murailles trempées de la forteresse sanguinaire du camp adverse.
Malgré la terreur que sèment les épées, les canons et les fusils, l’ombre de
l’ennemi n’a pas encore atteint sa cible. Il ne peut pas obscurer la pénombre
des insurgés : leur force mentale, quoique souffrante a un brin de lumière
invincible. Le tam-tam des tambours, les souvenirs des danses folkloriques des
cérémonies, servent à l’âme de ces intrépides l’écorce solide d’un rêve scellé.
La prise
du Cap-Français avec un dédain stoïque ressort les sorts que mes pères ont
subis et les renvoient dans un angle de revers aux maîtres ; et s’abattent
sur eux, comme dans les notions physiques, en chute libre. Dans l’apogée au
milieu d’un ciel parsemé de nuages obscurs mais qu’une lueur de soleil éclaire,
le bicolore s’élance, furieux, dans l’air comme un aigle qui voyage au milieu
des éclairs incolore et impérieux. »
Je
retourne dans ma vraie vie, ma pire vie. Ma vie en Haïti. Mon hypnose s’arrête,
mais ma prose continue. Mon état de veille s’achève, mon état d’éveil continue.
J’entends de
loin un débat sur la prouesse glorieuse de notre passé. Un jeune noir aux
cheveux crépus a eu ce discours devant ses pairs :
« Mes pères n’ont pas fait une épopée. Ils n’avaient pas de bravoure mais
plutôt de la méchanceté. Ils passent sous leurs épées tragiques des hommes
indigents. Ils ont laissé une espace triste et dévastée ; ils ont cassé le
rythme ascendant de la musique en intégrant une mélopée. Saint-Domingue
était riche, et florissante. Mais notre prétendue liberté l’a dramatisée. Nous
n’avons pas d’identité parce que notre histoire épique n’est qu’une farce émise
par nous même pour nous classer au rang des grandes sociétés. C’est
une fausse pensée, nous n’étions jamais à la hauteur d’une telle grandeur.
Notre indépendance était mal prise, pour moi particulièrement c’est une
méprise. Elle n’est pas le produit de nos forces, c’est grâce au climat, à la
fièvre et aussi grâce aux alliées qui nous ont aidés. »
J’ai
pris mon sang-froid pour analyser ces mots, ces phrases, ce livre oral. Je
reste sans rien dire, dans ce discours je ne vois rien de moral. Ma réflexion
réfléchit dans le miroir de l’oubli pour dire par ce dicton : un
peuple qui ne connait pas son histoire est condamné à la revivre. Des
larmes glissent sur mes joues après une extase si profonde, car j’ai vu et j’ai
ressenti la douleur qu’ont éprouvée mes ancêtres. J’ai observé des esclaves
dont les mains ont été prises par des moulins ; des dos nus, flagellés par
des verges entrelacées. Les sensations que j’ai eues m’ont prouvées que la
colère de mes pères, émerge de leurs pulsions nocturnes.
Les
seules réponses que j’ai à donner, c’est que notre indépendance a été l’œuvre
d’une épreuve de vie, d’une preuve de vivre pour les autres. C’était de rendre
clair les moindres repères de la liberté afin de concrétiser cette illusion,
afin d’atteindre cette vision. Nos aïeux se sont orientés vers un but, nous
devons maintenant élargir les horizons. Certes, nos précédents n’ont pas
achevé leur texte sur la page, mais nous, qu’est-ce que nous avons accompli
sous le soleil et sous l’orage ? Je pense que ce n’est rien, parce chaque jour
je vois les abeilles disparaître, je vois les oiseaux voyager vers les confins
des pays étrangers. N’importe la qualité du talent d’un haïtien sur le seuil
mondial, sa nationalité l’empêche d’être reconnu. C’est cela qui les a poussés
dans les « boat people ». Je regarde les corps de
mes frères flotter sur les rivages sur des terres inconnues. Je vois
des voleurs piller notre maigre Trésor Nationale à chaque quinquennat. Chaque
séance, je m’attends à un épisode cinématographique de la série télévisée du
Sénat. C’est dans ce seul pays qu’un bandit est plus important qu’un étudiant.
Parfois je constate ces faits sans rien avancer, je me sens réduit de tous ces
cas, je me sens las.
Nos pères nous ont légué un pays. Ils nous ont offert un drapeau. Mais nos actions reflètent de la trahison. La direction que nous avons donnée au pays retire nos aïeux dans leur repos. Le bicolore bleu et rouge de mon pays souille à chaque génération. L’étendard qui nous a servi de guide dans la guerre de l’indépendance est derrière nous maintenant.
Bèl kout plim... M espere se tèks sa kap meyè teks pou ane a... Il a tout dit!
RépondreSupprimerFélicitation à toi collègue, le génie de la plume.
Félicitations à vous . Ce texte émeut du plus plud profond de l'âme et c'est un chef d'oeuvre littéraire à faire péter les plombs à n'importe qui.À votre place, je déconseillersi aux sots de le lire . Toutes mes félicitations!!! Congratulations!
RépondreSupprimerOh! Wouaw! que c'est bien dit....!
SupprimerJe ne sais pas si je peux me permettre de prononcer à ton égard le mot: "félicitations" dans un domaine qui, je peux dire, t'appartient. Mais je tente le coup. J'ose te le dire seulement parce que je ne trouve pas d'autres mots plus fort. Appel au reveil de la conscience. Très beau texte Ariel Lucardi Louis!
RépondreSupprimerJe vous remercie beaucoup plus parce que vous etes mes juges. Merci encore pour votre soutien. Merci Dane et Peter. Merci a tous
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