La Mort m’effraie, la Mort me fait peur, c’est un méfait. Je ne peux pas la condamner, mais je me demande : pourquoi être son Damné ? Je ne comprends pas ce que veut dire sa présence, parce que je n’ai aucune connaissance de son Au-delà. Sa description n’est pas tangible, ses informations sont floues. Son existence est là, mais elle se considère comme une image tragique, comme une fiction optique, comme un tintamarre inaudible, c’est comme… comme la douleur d’un bois enfoncé par un clou.
J’ai vu le visage de cette femme sur la rage d’une flamme enragée comme un << engagé >> du folklore d’Haïti.
Je l’ai vu traverser la faune et la flore, la fleur qui éclore, les pleurs qui égorgent. Je l’ai vu renverser l’encre du philosophe, les vers du poète ; je l’ai vu reverser une somme au malheur ; je l’ai vu lire un verset en dédicace sur un antre nocturne. Je l’ai vu abattre la lune à chaque fois que le Soleil est efficace. Je l’ai vu combattre les rêves même les plus perspicaces. Je l’ai vu arracher la prime feuille, la traîner sur une route infirme, l’étrier de milles petits trous, la freiner contre des rocs et des épreuves. Elle la ramasse, la monte, la surmonte, la tracasse, l’emporte avec choc, la descend dans un fleuve et la prend.
Je l’ai vu sous l’orage d’une averse qui fuit avec le vent et la pluie, la verse sur la page d’une vie en prélude. Quel déluge !
Elle est d’une tenue vespérale. La cadence de ses hanches comme la vue d’une spirale. Son sourire espiègle, ses yeux perçants comme l’aigle. Sa caricature dessine en miniature la rature qui existe dans sa joie, dévoilant sa colère cachée. Elle est d’une forme svelte. Elle est comme un ombre qui avance à pas lent tout près d’une tombe où se trouve une fille arrêtée de son destin, la regarde d’un sourire apparent.
On ne peut jamais vivre sans faire revivre l’idée de la Mort. Je la pense, mais dans mes écrits la stance à chaque ligne perd son décor. Ce n’est pas parce que j’ai peur d’elle, mais c’est parce que sa beauté invisible est bien réelle. On ne voit pas ses mains mais sa cruauté indivisible est plurielle. Je la vois dans « Consolation à M. du Perrier » de Malherbe d’une régence terrible même à la voix la plus célèbre. Elle n’écoute ni les supplications, ne regarde même le bébé qu’elle voit crier. Elle est cruelle !
Si on ne peut pas vivre sans la penser, je ne peux pas écrire un livre pour l’offenser. C’est un effet naturel, il est régi par des lois. Même s’il a pris des projets, il a boité des destins. Il a écrit des brevets, il a botté des festins. Malgré cela, je ne peux rien faire pour l’empêcher ! Chaque chose a une fin – oui je l’accepte - mais je trouve féroce de voir mourir le pauvre de la faim ! J’éprouve de l’indignation quand vois pourrir l’écorce d’un grand arbre. Je couvre de folie quand je vois partir l’avenir du jeune de manière précoce ! C’est là que commence la précision, de voir partir un jeune à l’horizon, sans avoir eu la chance d’adieu à chacun, il prend sa route et s’en va avec aucun. C’est agaçant de regarder la Mort avec son rire capricieux le saluer et le fait entrer dans son antre calme, sombre et joyeux.
Je reste sur ces paroles : ‘‘La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ; on a beau la prier, la cruelle qu’elle est se bouche les oreilles, et nous laisse crier1 ’’ comme des paraboles de veille et funeste. Je suis celui qui croit qu’elle existe, je suis celui qui croit que les pouvoirs de cette dame sont sous le contrôle d’un Être Supérieur. Je suis Ariel Lucardi LOUIS qui écrit cette femme par des larmes ; je suis aussi celui qui décrit toutes ses charmes car je l’ai vu marcher d’une cadence en musique, ses hanches virevoltantes, ses gestes habiles mais tragiques… je l’ai vu.
1.-Lettre à M.
du Perrier de Malherbe écrivain du 17eme s., grammairien,
épurateur de la langue française.
Félicitations Ariel ! Tu sais comment jouer avec les mots pour comparer la mort à cette dame qui égorge. Le noir de l'ombre !
RépondreSupprimerMerci beaucoup de nous livrer ce petit repas pour nourrir littérairement notre esprit !
Le noir de l'ombre!
RépondreSupprimerFélicitations Ariel Lucardi Louis "On ne peut jamais vivre sans faire revivre l’idée de la Mort ". Merci de nous le rappeler.
Bravo le poète Ariel,pour ce texte extraordinaire.
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RépondreSupprimerMaitre Ariel le jeune ecrivain bravo
Félicitations le poète Ariel
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