CP: Le360Afrique |
Madame la Noirceur,
directrice de l'Institution Chacun Pour Soi (ICPS) se sent à l'aise dans sa
voiture de sport de marque "problème". Elle aime bien les modèles 4
par 4 de difficultés avec des caoutchoucs de découragement. Mais aujourd'hui
elle veut profiter de la beauté de cette dangereuse saison cyclonique pour
faire des livraisons de microbes aux quatre coins de la cité. Elle met le
moteur en marche et ricane comme un tonnerre qui annonce l'avènement d'un monde
apocalyptique. Elle met aussi les essuie-glaces en marche à cause de cette
pluie d'insectes maudits. La route est parsemée de verglas de malaria, de
neiges de typhoïde et bien d'autres. La tristesse de la brume est noyée dans la
ouate des pleurs... Quel contraste!
Misère, la
surveillante de l'institution, sonne la cloche. C'est la rentrée des classes.
Les élèves avec leurs uniformes blanchis et crasseux; (têtes aux cheveux crépus
pour les gars; têtes en nid d'oiseaux pour les filles;) leurs visages baignés
par la sécrétion de leurs glandes sudoripares malgré l'air frais de la matinée,
leurs mâchoires crochues, déformées, rongées, ciselées par la famine et le
désarroi donne à leur sourire l'impression d'une grimace effroyable sur le
museau endolori d'un monstre rendant son dernier soupir. Ils entament sous le
poids des faix précoces une marche lugubre pour se mettre en rang avec
l'entrain de la souffrance dans leurs pas... Disons qu'ils sont en train de
ramper au lieu de marcher, réduits en petits reptiles de l'ère mésozoïque. A
peine adolescents, ils sont déjà "scoliotiques!" Malnutrition, le nom
de la brigade alimentaire de la zone est l'une des principales responsables de
cette chaotique situation. Des chaussures noires sont devenues beiges, marrons,
jaunes sous l'effet des routes en terre battue et de la poussière. Madame
Noirceur ricane encore et bien plus fort en regardant cette petite fille qui
fait la moue en vue d'obtenir un mouchoir pour essuyer ses narines où coule une
lave jaunâtre...
En classe, le prof
Bâton n'est pas de ceux qu'on peut souhaiter le mieux. C'est un dictateur
féroce et impitoyable. Devoirs non faits: bâton! Leçons non sues: bâton! Ouf!
Cette espèce de bâton inverse les sens, mixant os et chairs! Pas seulement le
bâton mais y a aussi des injures de dernière version qui accompagnent cette
ribambelle. Franchement, on dirait que dans la tête du prof se trouve une usine
à fabriquer des propos malveillants ayant pour conséquence de siphonner ce qui
reste de l'estime de soi des élèves! Le pire, monsieur est un proxénète et tout
le monde s'en fout. Dans la classe, on a affaire avec une toile pour essuyer le
tableau, pas de brosse. Le prof a juste un morceau de craie et quelque vieux
livres photocopiés à la hâte dont la version est obsolète. Pas
de poubelle! Des immondices jonchent le sol et de temps en temps une
pelure de banane en pourriture fait glisser certains élèves. Ça leur fait rire
alors que la majorité d'entre eux ont déjà eu une égratignure à cause de ce
truc par manque de prudence. Les bancs, mal polis, sont si durs pour les fesses
des élèves or ils doivent faire attention aux clous qui sont mal enfoncés,
risquant de les blesser ou de déchirer ce qui reste de leurs uniformes. Ils
trouvent parfois des ailes de cafards accrochées à des toiles d'araignées sous
les recoins de leurs bancs. Pas étonnant que ces ailes feront l'objet de
taquinerie et de moquerie et même de mesquinerie. Grave situation, ils sont
coincés. Ils n'arrivent même pas à écrire correctement. Dans leurs devoirs et
leurs prises de note, on y trouve plus de rature que dans un brouillon d'examen
de math extrêmement difficile. Autre chose: au sein de la classe, l'atmosphère
est chaude et bruyante. Deux choses expliquent ceci. 1-Les élèves parlent trop
et font du bruit comme des fans acharnés lors d'une finale de la ligue des
champions. 2-Le bâtiment est mal construit ou mal positionné. Je ne suis pas un
expert en génie civil ou en construction de bâtiments mais, à mon avis, les
rayons solaires ne devraient pas prendre les paupières des enfants pour cible.
C'est comme une tempête énorme qui fonce sur un canot à rames au milieu de
l'océan Pacifique. Pouvez vous imaginez un apprentissage selon les normes dans
un tel milieu?
Je vois la balle qui
roule sur le terrain de football en terre battue lors de la récréation.
Attention! Ce n’st pas une balle comme les autres. Celle ci ressemble à une
fusée ou un astéroïde: une bouteille (de fiesta, de frooty ou de jugoo) qui
leur sert de ballon!!! Quelque chose en plastique mais qui peut quand même
causer des dégâts aux ligaments du pied, à la cheville, à l'astragale ou au
calcanéum car le bouchon est dur pour l'anatomie osseuse des enfants âgés de 8,
9 ou 10 ans. On a besoin de 4 grosses pierres, deux pour chaque équipe afin de
permettre l'encaissement des buts. Sinon on aura affaire avec un seul camp et
ce sera le fameux "make pou gòl" ou "chen manje chen" qui
consiste à tout faire sans coéquipier. (Chacun pour soi.) On est à la fois
défenseur, milieu de terrain et attaquant. Ce jeu, simple en apparence, reflète
presqu'à l'exactitude notre façon de vivre dans les quartiers résidentiels
aujourd'hui: "Je vis ma vie et je m'en fous des autres; Je marque des buts
peu importe si j'dois dribbler tout l'monde quitte à leur causer une entorse ou
luxation." Les jeux pendant la récré sont importants mais il faut qu'il y
ait une structure et une surveillance psychologique. Les sous vêtements vont
payer un prix fort, y a t-il suffisamment d'eau à la maison pour faire la lessive?
Pas besoin de s'inquiéter! Ce sont des enfants, sales ou propres, l'essentiel
est qu'ils aillent à l'école!
Pas de déjeuner. La
faim, cela fait longtemps que les enfants côtoient ce héros qui installe son
application sur leurs logiciels gastriques. La soif, disons qu'ils se
contentent de l'eau impure qu'ils font remonter de la pompe pleine de rouille
où les cabris et les bœufs des paysans avoisinants viennent souvent se
désaltérer. Ça sent mauvais et l'eau est d’un drôle de couleur. Et moi qui croyais
que l'eau était incolore! La misère, témoin de ces faits sinueux, gesticule et
rit pour montrer sa satisfaction...
Le bruit incessant
des marchands ambulants qui crient, l'odeur des nombreux amas de déchets qui
décorent majestueusement les trottoirs, l'irrespect des règles de la
circulation avec les cyclistes "chawapetistes" : La rue!
Embouteillage, pas de bonne route! Pas de route du tout dans certains cas. Pas
de trottoirs. Ils sont occupés avec je ne sais quoi! Les conducteurs déjà
fatigués, affamés et même divorcés klaxonnent avec rage, les hauts parleurs
crachent de la musique pour attirer la clientèle ou faire de la publicité; ici
le silence est un mythe! Tout ceci met en mode veille l'attention des élèves
qui reviennent de l'école, faisant tâcher le savoir drôlement acquis à la
mi-journée. Ce brouhaha augmentera leurs fatigues déjà accumulées en cours de
route à cause de la faim, la soif, la marche, les maux de tête et j'en passe.
Bref, les conditions humaines, y en a pas ou presque!?
Ils regagnent
néanmoins le chemin du retour où l'un d'entre eux a failli perdre la vie en
traversant la rue négligemment, Smartphone sous les doigts, en train de surfer
sur un site xxx interdit aux mineurs. Son père l'avait acheté à peine pour
qu'il puisse effectuer les recherches sur internet! Y a même pas d'électricité
et on parle d'internet, de Smartphones et d'écoles. On les prend vraiment pour
des cons. Ils sont en train de faire ce qu'on appelle "charye dlo nan
panyen banbou". Sur 20 élèves y en a deux qui possèdent un Smartphone
(données fictives) or ils sont, je crois, peut être bien, en nouveau
secondaire. Ça sonne bien à l'oreille. C'est très beau ce concept dis donc!
Dieu merci, ils sont tous rentrés chez eux avec fierté, croyant fermement que
demain sera mieux qu'aujourd'hui. Désolé chers amis, ici tout est spécial. Nos
ombres sont parfois plus réels que nous... Un monde où la lumière est un corps
opaque...
La vie est une
lutte, il faut lutter pour réussir. Je le sais. Des petites phrases pour
motiver les gens en cas de besoin... Mais ici, ce rire que la misère de l'école
est en train de peindre sur nos visages (les enfants en particulier) n'est pas
une lutte. Sincèrement, on devrait inventer un concept nouveau, la mise en
place d'un néologisme par les scientifiques pour décrire ce phénomène inhumain,
funeste et sanglant. "Comparée à certains niveaux de combats, la guerre
est une paix."
La misère ne cesse
pas de rire dans nos écoles publiques et privées, nous devons trouver un moyen
pour savourer les pleurs joyeux de la réussite scolaire, pour sauter au cou de
la triomphante victoire de la normalisation d'une instruction de qualité
récente.
ALCINOR
Arthur
Le Naturisme
Jeune Penseur
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Catégorie :
Vie
Bon travail mon frère continue comme ça
RépondreSupprimerMerci bien
SupprimerBon travail mon frère continue comme ça
RépondreSupprimerexcellent texte!
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