Et si j'étais moche...?

Publié par :JEUNE PENSEUR •août 15, 2019

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CP : wattpad

-Waaouh ! Quelle jolie fille!

-On dirait une actrice d'Hollywood.

-Une jolie Poupée !

-Hey, miss Beauté ! Tu t'es égarée sur notre terre ?

-Pourquoi perdre ton temps à aller à l'école ? Avec un corps pareil, tout est possible !

Que de "koze" à mon égard. Ils m'adressaient mais je n'ai pas répondu. On dirait que ces deux amis étaient envoyés exprès pour me taquiner. J'étais la coqueluche de mon école et de mon quartier. C'est par réserve que je ne suis pas allée jusqu'à dire "de toute la ville". Je recevais, chaque jour, en plein visage, ces genres de provocation et ça ne me plaisait pas du tout. Le pire c'est qu'on me repérait partout. C'est comme si je marchais avec un grand "Attention Danger" sur le front.

J'étais un prodige de la chimie et de la biologie. Je me débrouillais très bien en physique et en math. J'ai toujours eu de bonnes notes dans les autres matières mais les chiffres étaient mes préférés. Tout le monde s'en foutait. Dans les rues, au lieu d'entendre : tu es très douée dans les chiffres. J'entendais toujours : tu pourrais être miss mondiale. Mes capacités intellectuelles importaient peu. Ma propre mère m'a dit un jour :

-Pourquoi tu t'intéresses à ces trucs de chimie ?

-Je veux devenir médecin, maman. Il faut que j'y travaille.

-Ne t'inquiètes pas ma chérie. Comme tu es, ce sera facile pour toi de trouver un bon parti et tu n'auras pas à travailler.

Je ne pouvais vraiment pas y croire. Même ma mère s'y mettait !

A 16ans, je m'habillais toujours confortablement. Il m'arrivait même de porter des vêtements trop larges mais ça n'empêchait pas aux hommes de me trouver désirable jusqu'à me violer. Je ne supportais plus même un petit doigt d'un homme sur mon corps. Mais ils n'ont pas cessé de me nuire à cause de mon corps. Malheureusement, j'étais impuissante face à tout ceci. Je réfléchissais tout le temps à comment j'allais faire pour y mettre un terme. Et toujours rien. Enfin si... J'ai décidé de jouer le jeu !

Corsage cintré, jupe presque à la hauteur de mes cuisses, j'étais à l'entrée de mon collège et tous les regards se tournaient vers moi. C'est ma réalité de chaque matin. Ce n'est pas de la vantardise mais je suis la plus enviée de l'établissement. Belle de visage, corps parfait, démarche provocante et habits qui font apparaître très bien ma silhouette. Je suis l'image même de la "Top Model". Les garçons me couraient après et les filles... la majorité ne m'aimait pas. Vous voyez ? Je suis vraiment la plus enviée. Et ça me va maintenant. Les cours ne m'intéressaient plus. Ils ne vont pas servir à grand-chose d'ailleurs. On m'a imposé le mannequinat. J'avais les pires notes de toute la salle. Parfois ça m'embêtait, d'autre fois, je m'en foutais. J'entendais les élèves jaser sur mon compte à plusieurs reprises.

-Elle ne sait rien de rien.

-Sa place n'est pas ici.

-Pourquoi elle ne va pas plutôt aux concours miss.

-Elle s'est vraiment égarée !

Ils sont comme ça ces gens. J'étais douée ça ne les intéressait pas. Je suis devenue celle qu'ils voulaient, ils trouvent quand même de quoi jaser. Ils n'avaient aucune idée de ce que je traversais, je ne les répondais jamais. Ils ne savaient même pas si je les entendais. J'encaissais tout simplement. J'avais l'impression d'être la force incarnée. Je me suis efforcée d'aimer la vie qu'ils m'ont imposée. Jusqu'au jour où j'ai vécu l'un des pires moments de ma vie.

C'était à un anniversaire. La présidente de la salle fêtait ses 18ans. J'ai mis une robe un peu cintrée qui faisait bien apparaître ma silhouette. En vraie top model. Dès mon arrivée, j'entendais des "chui-chui", "des pale anpil" et des propos provocants. Je me sentais mal mais comme d'habitude, j'encaissais. Je marchais tranquillement quand j'ai senti une bonne claque sur mon postérieur juste avant qu'on me le pince. Sans avoir le temps de réfléchir, j'ai éclaté en sanglot. J'avais l'impression que j'étais encore une fois victime de viol. J'ai couru jusqu'au dehors, sauté sur un taxi et je suis allée directement chez moi.

Cette nuit, j'ai beaucoup réfléchi. Je me suis posé de nombreuses questions. Pourquoi je subissais tout cela ? Est-ce le prix à payer pour être belle ? Le plus important c'est que j'ai décidé de reprendre mon look d'avant. De redevenir moi. Si je pouvais changer entièrement mon apparence, je l'aurais fait cette nuit même. Et là, l'idée m'est venue : "Et si j'étais moche...?" Mes capacités intellectuelles auraient été sûrement mises en valeur. Il y aurait probablement des "A tifi lèd sa papa". Mais il y aurait aussi des "rayi chen an di dan l blan, tifi sa lèd men li fò".